mardi 16 février 2016

Corrigé du dénouement de Dom Juan



(mise en scène de Daniel Mesguich)


Voici (enfin !!) le corrigé de l'étude du dénouement de Dom Juan, que vous aviez à faire pendant les vacances de Noël.
Il s'agit de la copie de Flore, très légèrement modifiée.
Je vous laisse, comme d'habitude, imprimer le devoir chez vous et le retravailler, rechercher les étapes du paragraphe argumenté, etc.
Inspirez-vous !!




[Accroche] Avec l’apogée du classicisme entre 1660 et 1680, le baroque est quelque peu oublié. Le baroque est un mouvement artistique et littéraire basé sur l’étude des métamorphoses, notamment par le biais du thème de l’eau et des bulles de savon. Mais l’arrivée du classicisme réimpose des lois de plus en plus contraignantes, notamment au théâtre avec les règles du théâtre classique. [Auteur] Ainsi, Molière, dit Jean-Baptiste Poquelin, directeur de troupe de l’Illustre théâtre, passe rapidement sous la protection du roi, Louis XIV, qui apprécie ses pièces mais est contraint d’en censurer certaines sous la pression de la cour. [Pièce] Dom Juan est une pièce écrite par Molière en 1665, à la suite de la censure de Tartuffe en 1664. Cette comédie sérieuse revient sur les dernières heures de la vie d’un libertin, Don Juan. La pièce fait des exceptions aux règles du théâtre classique ; en effet, elle ne respecte pas la règle des trois unités ni celles de bienséance et de vraisemblance. Par ailleurs, elle se termine mal, contrairement à ce qu’exige le code de la comédie. [Passage] Les scènes 5 et 6 de l’acte V constituent les scènes de dénouement de la pièce ; on y retrouve Don Juan, son valet Sganarelle, la statue du Commandeur et un spectre. [Problématique] En quoi s’agit-il d’un dénouement à la fois baroque et classique ? [Annonce de plan] Nous étudierons dans un premier temps l’aspect spectaculaire de ce passage, avant de nous pencher sur son caractère moral.



            [Annonce du grand axe et des sous-parties] Dans un premier temps, nous allons étudier en quoi ce dénouement est baroque par son côté spectaculaire, en nous penchant tout d’abord sur les personnages surnaturels ; puis nous étudierons les circonstances de la mort du personnage éponyme, avant de finir sur le caractère rapide et inattendu de ce dénouement.
            [1er argument : 1) annonce de l’argument] Tout d’abord, nous pouvons dire que les scènes 5 et 6 de l’acte V constituent  un dénouement spectaculaire en raison de la présence de personnages surnaturels, la statue du Commandeur ainsi que le spectre. [2) étude des procédés] En effet, ces deux personnages sont personnifiés, puisqu’ils interviennent en action et en paroles dans ces scènes : « LE SPECTRE : Dom Juan n’a plus qu’un moment à pouvoir profiter de la miséricorde du Ciel. » (l.1 scène 6). De plus, la phrase exclamative prononcée par Sganarelle « Ô ciel ! » (l.8 scène 5) traduit son étonnement face au spectre qui se tient devant lui. Enfin, l’énumération « Spectre, fantôme ou Diable » (l.6, sc.5)  renforce le caractère surnaturel et invraisemblable de ce dénouement, ce qui le rend d’autant plus baroque. Cet aspect spectaculaire est aussi dû au changement d’apparence du spectre, qui est de plus en plus inquiétant puisqu’il se transforme en allégorie de la mort : « Le spectre change de figure et représente le Temps avec sa faux à la mien. » [3) interprétation] Ainsi, ce qui permet en partie au dénouement d’être spectaculaire est la présence du Spectre et la Statue, animés, qui exécutent des actions non vraisemblables.
            [2e argument] Par ailleurs, les circonstances mêmes de la mort de Don Juan sont spectaculaires. En effet, pour commencer, la mort du personnage éponyme est d’origine divine ; elle a lieu par l’intermédiaire  d’un « deus ex machina ». La présence divine est d’ailleurs évoquée à plusieurs reprises grâce au champ lexical de la religion : « miséricorde du Ciel » (l.2 sc.5), « Diable » (l.6 sc.5), « esprit » (l.10 sc.5), « les grâces du Ciel » (l.7 sc.6). Ainsi, la présence divine rend ce dénouement spectaculaire. De plus, on peut relever dans la scène 6 le champ lexical des enfers qui ne devrait pas être présent dans le récit classique d’une mort sur scène : « feu invisible » (l.9), « brasier ardent » (l.10), « tonnerre » (l.11), « grands éclairs » (l.11), « la terre s’ouvre », « l’abîme » et « grands feux » (l.12). Ce dénouement apparaît donc comme spectaculaire, et très baroque, d’abord grâce à l’intervention divine, puis grâce à l’invraisemblance des circonstances de cette mort.
            [3e argument] Enfin, ce dénouement est spectaculaire dans la mesure où il surprend à la fois les personnages et les spectateurs. En effet, les personnages sont surpris par la rapidité de l’action et par son caractère spectaculaire. La surprise des personnages se traduit par de nombreuses phrases exclamatives et interrogatives, notamment dans la dernière réplique de Don Juan : « Ô Ciel ! » (l.9), « Ah ! » (l.10), « Que sens-je ? » (l.9). De même, les spectateurs sont surpris par la rapidité de l’action. En effet, Don Juan, qui pensait dîner avec la statue du Commandeur se retrouve tout à coup aspiré par les entrailles de la terre. L’action est très rapide, le personnage principal a à peine le temps de prononcer trois répliques qu’il s’embrasse de façon spectaculaire. Ce dénouement est donc inattendu, car le spectateur n’a pas le temps d’anticiper cette fin, et il ne s’attend pas à un événement si prompt et incroyable.
            [Bilan / Transition] Ainsi, ces deux scènes représentent un dénouement spectaculaire et donc baroque, grâce à la présence de personnages surnaturels, aux circonstances de la mort de Don Juan, peu ordinaire, ainsi qu’à la rapidité de l’action et à son caractère inattendu. Mais nous allons voir que ce dénouement correspond aussi en partie aux impératifs du classicisme et à ses enjeux moraux.
           

           
            A présent, nous allons observer que bien qu’étant spectaculaire, ce dénouement est aussi moral. Nous étudierons dans un premier temps en quoi cette scène démontre les conséquences du péché de libertinage, puis du refus de se repentir, et enfin, en quoi  ces scènes constituent une catharsis à la fois classique et comique.
            En premier lieu, ces scènes ont une fonction morale en ce qu’elles montrent les conséquences du péché de libertinage. En effet, Don Juan est un libertin qui s’est cru affranchi des lois religieuses. Il en a donc profité, toute sa vie, pour faire des actions considérées comme des péchés par l’Eglise. La dernière réplique de Sganarelle constitue une énumération de tous les torts qu’a causé Don Juan au cours de sa vie : « Ciel offensé, lois violées, filles séduites, familles déshonorées, parents outragés, femmes mises à mal, maris poussés à bout » (l.14/16). Cette réplique a une fonction de morale, visant à dissuader les spectateurs de se comporter comme Don Juan. La fonction cathartique est donc accomplie en présentant aux personnages de la pièce et aux spectateurs ce qui pourrait arriver en cas de comportements similaires. Celui qui a passé sa vie à étreindre des femmes meurt seul, aspiré par les enfers.
            Par ailleurs, à travers l’histoire du personnage éponyme, ce dénouement veut prévenir les spectateurs et les personnages des conséquences du refus de se repentir. En effet, les personnages de la pièce invitent Don Juan à se repentir à plusieurs reprises, sans résultat. On voit cela à la répétition du verbe ou du substantif « repentir » à trois reprises dans les répliques de la statue, de Sganarelle, et de Don Juan lui-même : « et s’il ne se repend ici, sa perte est résolue » (l.2), « jetez-vous vite dans le repentir » (l.13), « il ne sera pas dit que quoi qu’il arrive, je sois capable de me repentir » (l.15). Don Juan refus à chaque sollicitation, et finit par mourir de ce refus. Le fait de se repentir peut alors faire penser au sacrement de la confession. En ce sens, ce dénouement peut servir de morale au spectateur, pour lui montrer ce qu’il peut lui arriver s’il ne se confesse pas ou s’il ne corrige pas ses actions. Ainsi, le dénouement est moral car il ramène à l’ordre les spectateurs en même temps que Don Juan, en leur montrant par sa mort l’importance du repentir.
            Enfin, nous pouvons dire que ce dénouement complète sa fonction de morale car il peut-être interprété comme une catharsis, mais une catharsis comique. En effet, ces scènes donnent à voir ce qui arrive à Don Juan, lui qui a mené une vie de libertin. Seulement, c’est trop invraisemblable pour que le spectateur soit véritablement purgé de ses péchés et y croie. Ainsi, nous pouvons dire que cette catharsis, qui a pour but de dissuader les spectateurs d’être libertin, propose une fin très exagérée, la punition de Don Juan étant trop peu probable. Cette catharsis est tellement exagérée, qu’elle tourne au ridicule et en devient comique. Le comique se traduit notamment grâce au personnage de Sganarelle, qui, au lieu de se préoccuper de la mort de son maître, pense uniquement à sa paye. On relève en effet un comique de caractère et de répétition dans les dernières répliques du valet : « Ah ! Mes gages ! mes gages ! » (l.13), « Mes gages ! mes gages ! mes gages ! » (l.16). Molière se moque ici du caractère du valet en le faisant passer pour cupide, annulant la peur que la mort de Don Juan aurait pu provoquer, ce qui vient annuler, en toute fin de pièce, l’enjeu moral du dénouement.
            On a donc vu que ces deux scènes constituent un dénouement en partie moral car elles s’efforcent de montrer au spectateur et de lui faire réaliser les conséquences de la mauvaise vie qu’a mené Don Juan. Cependant, l’aspect comique des dernières répliques de Sganarelle annule en partie l’enjeu cathartique des deux scènes, ce qui n’aura pas manqué de susciter la colère de la censure à l’époque.



            [Conclusion : Bilan de l’étude] Nous avons donc pu observer que les deux scènes finales de Dom Juan constituent à la fois un dénouement baroque par son aspect spectaculaire, et classique dans son enjeu moral. Spectaculaire grâce à la personnification de la statue et du spectre, impressionnants, aux circonstances de la mort du personnage éponyme dans les feux de l’enfer, ainsi qu’à la rapidité de l’action et du caractère improbable de celle-ci. Mais ce dénouement est aussi moral dans le sens où il cherche à démontrer aux spectateurs les conséquences du péché et du refus de se repentir. Cependant, ce dénouement n’en reste pas moins comique grâce au personnage de Sganarelle. [Ouverture] Cette scène n’est pas sans évoquer la scène finale de Ruy Blas, de Victor Hugo, qui lui ressemble car la mort du personnage principal peut là aussi paraître comique.

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