(mise en scène de Daniel Mesguich)
Voici (enfin !!) le corrigé de l'étude du dénouement de
Dom Juan, que vous aviez à faire pendant les vacances de Noël.
Il s'agit de la copie de Flore, très légèrement modifiée.
Je vous laisse, comme d'habitude, imprimer le devoir chez vous et le retravailler, rechercher les étapes du paragraphe argumenté, etc.
Inspirez-vous !!
[Accroche] Avec l’apogée du classicisme entre 1660
et 1680, le baroque est quelque peu oublié. Le baroque est un mouvement
artistique et littéraire basé sur l’étude des métamorphoses, notamment par le
biais du thème de l’eau et des bulles de savon. Mais l’arrivée du classicisme
réimpose des lois de plus en plus contraignantes, notamment au théâtre avec les
règles du théâtre classique. [Auteur] Ainsi, Molière, dit Jean-Baptiste
Poquelin, directeur de troupe de l’Illustre théâtre, passe rapidement sous la
protection du roi, Louis XIV, qui apprécie ses pièces mais est contraint d’en
censurer certaines sous la pression de la cour. [Pièce] Dom Juan est
une pièce écrite par Molière en 1665, à la suite de la censure de Tartuffe en
1664. Cette comédie sérieuse revient sur les dernières heures de la vie d’un
libertin, Don Juan. La pièce fait des exceptions aux règles du théâtre
classique ; en effet, elle ne respecte pas la règle des trois unités ni
celles de bienséance et de vraisemblance. Par ailleurs, elle se termine mal,
contrairement à ce qu’exige le code de la comédie. [Passage] Les scènes 5 et 6
de l’acte V constituent les scènes de dénouement de la pièce ; on y
retrouve Don Juan, son valet Sganarelle, la statue du Commandeur et un spectre.
[Problématique]
En quoi s’agit-il d’un dénouement à la fois baroque et classique ? [Annonce de plan]
Nous étudierons dans un premier temps l’aspect spectaculaire de ce passage,
avant de nous pencher sur son caractère moral.
[Annonce du grand axe et des
sous-parties] Dans un premier temps, nous allons étudier en quoi ce
dénouement est baroque par son côté spectaculaire, en nous penchant tout
d’abord sur les personnages surnaturels ; puis nous étudierons les
circonstances de la mort du personnage éponyme, avant de finir sur le caractère
rapide et inattendu de ce dénouement.
[1er argument : 1)
annonce de l’argument] Tout d’abord,
nous pouvons dire que les scènes 5 et 6 de l’acte V constituent un dénouement spectaculaire en raison de la
présence de personnages surnaturels, la statue du Commandeur ainsi que le
spectre. [2) étude des procédés] En effet, ces deux personnages sont personnifiés,
puisqu’ils interviennent en action et en paroles dans ces scènes :
« LE SPECTRE : Dom Juan n’a plus qu’un moment à pouvoir profiter de
la miséricorde du Ciel. » (l.1 scène 6). De plus, la phrase exclamative prononcée par
Sganarelle « Ô ciel ! » (l.8 scène 5) traduit son étonnement
face au spectre qui se tient devant lui. Enfin, l’énumération « Spectre, fantôme ou
Diable » (l.6, sc.5) renforce le
caractère surnaturel et invraisemblable de ce dénouement, ce qui le rend
d’autant plus baroque. Cet aspect spectaculaire est aussi dû au changement d’apparence
du spectre, qui est de plus en plus inquiétant puisqu’il se transforme en allégorie de la mort :
« Le spectre change de figure et représente le Temps avec sa faux à la
mien. » [3) interprétation] Ainsi, ce qui permet en partie au dénouement
d’être spectaculaire est la présence du Spectre et la Statue, animés, qui
exécutent des actions non vraisemblables.
[2e argument] Par ailleurs, les circonstances mêmes de la
mort de Don Juan sont spectaculaires. En effet, pour commencer, la mort du personnage
éponyme est d’origine divine ; elle a lieu par l’intermédiaire d’un « deus ex machina ». La présence
divine est d’ailleurs évoquée à plusieurs reprises grâce au champ lexical
de la religion : « miséricorde du Ciel » (l.2 sc.5),
« Diable » (l.6 sc.5), « esprit » (l.10 sc.5), « les
grâces du Ciel » (l.7 sc.6). Ainsi, la présence divine rend ce dénouement spectaculaire.
De plus,
on peut relever dans la scène 6 le champ lexical des enfers qui ne devrait pas être
présent dans le récit classique d’une mort sur scène : « feu
invisible » (l.9), « brasier ardent » (l.10),
« tonnerre » (l.11), « grands éclairs » (l.11), « la
terre s’ouvre », « l’abîme » et « grands feux »
(l.12). Ce dénouement apparaît donc comme spectaculaire, et très baroque, d’abord
grâce à l’intervention divine, puis grâce à l’invraisemblance des circonstances
de cette mort.
[3e argument] Enfin, ce dénouement est spectaculaire dans la
mesure où il surprend à la fois les personnages et les spectateurs. En effet,
les personnages sont surpris par la rapidité de l’action et par son caractère
spectaculaire. La surprise des personnages se traduit par de nombreuses phrases
exclamatives et interrogatives, notamment dans la dernière réplique
de Don Juan : « Ô Ciel ! » (l.9), « Ah ! »
(l.10), « Que sens-je ? » (l.9). De même, les spectateurs sont
surpris par la rapidité de l’action. En effet, Don Juan, qui pensait dîner avec la
statue du Commandeur se retrouve tout à coup aspiré par les entrailles de la
terre. L’action est très rapide, le personnage principal a à peine le temps de
prononcer trois
répliques qu’il s’embrasse de façon spectaculaire. Ce dénouement est
donc
inattendu, car le spectateur n’a pas le temps d’anticiper cette fin, et il ne
s’attend pas à un événement si prompt et incroyable.
[Bilan / Transition] Ainsi, ces deux scènes représentent un
dénouement spectaculaire et donc baroque, grâce à la présence de personnages
surnaturels, aux circonstances de la mort de Don Juan, peu ordinaire, ainsi
qu’à la rapidité de l’action et à son caractère inattendu. Mais nous allons voir que ce
dénouement correspond aussi en partie aux impératifs du classicisme et à ses
enjeux moraux.
A présent, nous allons observer que
bien qu’étant spectaculaire, ce dénouement est aussi moral. Nous étudierons
dans un premier temps en quoi cette scène démontre les conséquences du péché de
libertinage, puis du refus de se repentir, et enfin, en quoi ces scènes constituent une catharsis à la
fois classique et comique.
En premier lieu, ces scènes ont une
fonction morale en ce qu’elles montrent les conséquences du péché de
libertinage. En effet, Don Juan est un libertin qui s’est cru affranchi des
lois religieuses. Il en a donc profité, toute sa vie, pour faire des actions
considérées comme des péchés par l’Eglise. La dernière réplique de Sganarelle
constitue une énumération de tous les torts qu’a causé Don Juan au cours de sa
vie : « Ciel offensé, lois violées, filles séduites, familles
déshonorées, parents outragés, femmes mises à mal, maris poussés à bout »
(l.14/16). Cette réplique a une fonction de morale, visant à dissuader les
spectateurs de se comporter comme Don Juan. La fonction cathartique est donc
accomplie en présentant aux personnages de la pièce et aux spectateurs ce qui
pourrait arriver en cas de comportements similaires. Celui qui a passé sa vie à
étreindre des femmes meurt seul, aspiré par les enfers.
Par ailleurs, à travers l’histoire
du personnage éponyme, ce dénouement veut prévenir les spectateurs et les
personnages des conséquences du refus de se repentir. En effet, les personnages
de la pièce invitent Don Juan à se repentir à plusieurs reprises, sans résultat.
On voit cela à la répétition du verbe ou du substantif « repentir » à
trois reprises dans les répliques de la statue, de Sganarelle, et de Don Juan
lui-même : « et s’il ne se repend ici, sa perte est résolue »
(l.2), « jetez-vous vite dans le repentir » (l.13), « il ne sera
pas dit que quoi qu’il arrive, je sois capable de me repentir » (l.15).
Don Juan refus à chaque sollicitation, et finit par mourir de ce refus. Le fait
de se repentir peut alors faire penser au sacrement de la confession. En ce sens,
ce dénouement peut servir de morale au spectateur, pour lui montrer ce qu’il
peut lui arriver s’il ne se confesse pas ou s’il ne corrige pas ses actions.
Ainsi, le dénouement est moral car il ramène à l’ordre les spectateurs en même
temps que Don Juan, en leur montrant par sa mort l’importance du repentir.
Enfin, nous pouvons dire que ce
dénouement complète sa fonction de morale car il peut-être interprété comme une
catharsis, mais une catharsis comique. En effet, ces scènes donnent à voir ce
qui arrive à Don Juan, lui qui a mené une vie de libertin. Seulement, c’est
trop invraisemblable pour que le spectateur soit véritablement purgé de ses
péchés et y croie. Ainsi, nous pouvons dire que cette catharsis, qui a pour but
de dissuader les spectateurs d’être libertin, propose une fin très exagérée, la
punition de Don Juan étant trop peu probable. Cette catharsis est tellement
exagérée, qu’elle tourne au ridicule et en devient comique. Le comique se traduit
notamment grâce au personnage de Sganarelle, qui, au lieu de se préoccuper de
la mort de son maître, pense uniquement à sa paye. On relève en effet un
comique de caractère et de répétition dans les dernières répliques du valet :
« Ah ! Mes gages ! mes gages ! » (l.13), « Mes
gages ! mes gages ! mes gages ! » (l.16). Molière se moque ici
du caractère du valet en le faisant passer pour cupide, annulant la peur que la
mort de Don Juan aurait pu provoquer, ce qui vient annuler, en toute fin de
pièce, l’enjeu moral du dénouement.
On a donc vu que ces deux scènes
constituent un dénouement en partie moral car elles s’efforcent de montrer au
spectateur et de lui faire réaliser les conséquences de la mauvaise vie qu’a
mené Don Juan. Cependant, l’aspect comique des dernières répliques de
Sganarelle annule en partie l’enjeu cathartique des deux scènes, ce qui n’aura
pas manqué de susciter la colère de la censure à l’époque.
[Conclusion : Bilan de l’étude]
Nous avons donc pu observer que les deux scènes finales de Dom Juan
constituent à la fois un dénouement baroque par son aspect spectaculaire, et
classique dans son enjeu moral. Spectaculaire grâce à la personnification de la
statue et du spectre, impressionnants, aux circonstances de la mort du
personnage éponyme dans les feux de l’enfer, ainsi qu’à la rapidité de l’action
et du caractère improbable de celle-ci. Mais ce dénouement est aussi moral dans
le sens où il cherche à démontrer aux spectateurs les conséquences du péché et
du refus de se repentir. Cependant, ce dénouement n’en reste pas moins comique
grâce au personnage de Sganarelle. [Ouverture] Cette scène n’est pas sans
évoquer la scène finale de Ruy Blas,
de Victor Hugo, qui lui ressemble car la mort du personnage principal peut là
aussi paraître comique.